Hommage aux 27 de Châteaubriant

Publié le

 

- Intervention de Jean-Pierre BRARD -
Député de la Seine-Saint-Denis
Maire-honoraire de Montreuil

Samedi 25 octobre 2008
Parc des Beaumonts – Clairière des 27




Dans « Un témoin des martyrs », Louis Aragon relate ainsi les faits : « Le 22 octobre 1941, 27 hommes ont été exécutés par les Allemands à côté du camp de Châteaubriant (Loire-Inférieure) pour des faits datant de quelques jours, dont ils étaient notoirement ignorants.[…]. 

Le temps est superbe, le ciel d’une pureté exceptionnelle pour un 22 octobre. Pas une âme qui vive. Enfin la Marseillaise, une fois de plus, s’élève de l’autre côté des palissades. Les moteurs sont mis en marche. Les camions vont partir. La Marseillaise s’envole des camions, irrésistible, gagne tout le camp, baraque par baraque. […]

On sait maintenant que le même jour, à Nantes, vingt et un otages étaient tombés dans des conditions semblables. Quarante-huit en tout pour la journée du 22 octobre. »

La plupart de ces héros de Châteaubriant avaient été frappés par la répression dès la drôle de guerre. Ils avaient été privés arbitrairement des mandats qu’ils tenaient du peuple ; ils avaient été écartés par la force de leurs fonctions syndicales ; ils avaient été jetés dans les prisons et les camps de concentration par les Munichois. Quelques-uns avaient été arrêtés aussitôt après leur démobilisation. D’autres, jusqu’à leur arrestation, en 1940, avaient été parmi les pionniers de la Résistance nationale contre les occupants et contre les traîtres. 24 étaient communistes.

C’était la première exécution d’otages et les fascistes comptaient ainsi terroriser la population, décourager les témérités éventuelles. Or ce fut dans tout le pays l’explosion de colère contre les assassins nazis et contre leurs complices vichyssois. Dès le 26 octobre, des grèves éclataient dans la région parisienne. A la même date, les ouvriers de l’arsenal de Brest refusaient de travailler. Puis ce fut une manifestation puissante le 31 octobre, la grève de cinq minutes, les foules recueillies et silencieuses dans les stations du métro, sur les places publiques et devant les monuments aux morts.

Montreuil, comme de nombreuses municipalités de gauche de la région parisienne, entretient, depuis la Libération en 1944, un lien étroit avec l’histoire de la Résistance et de la déportation. Cette histoire est lisible dans l’espace urbain.

En 2001, à l’occasion du 60ème anniversaire du 22 octobre 1941, la municipalité inaugurait la « Clairière des 27 ». En présence de Lucie Aubrac, Maurice Kriegel-Valrimont, Geneviève de Gaulle Anthonioz, Armand Gatti, Louis Odru, 27 arbres portant chacun le nom d’un des fusillés sont plantés et une plaque commémorative est posée. Chaque arbre est parrainé par un ancien résistant et/ou déporté et un jeune montreuillois « filles et garçons qui continuent le combat de la Résistance, pour ses valeurs de courage, de dignité, d’humanité. »

Parmi les 27 de Châteaubriant figuraient le jeune montreuillois Charles Delavacquerie, 19 ans, ouvrier dont une rue de Montreuil et une station RATP de bus portent le nom, Guy Mocquet,17 ans, étudiant, le benjamin du groupe, Jean-Pierre Timbaud criant sous les balles « Vive le parti communiste allemand ! ».

C’est en 1946 qu’était inauguré au musée de l’histoire vivante, sous l’égide du maire Daniel Renoult (interné) et du député Jacques Duclos (responsable du PCF clandestin), un panneau rendant hommage aux « Victimes montreuilloises » de la déportation, tandis qu’un espace était consacré aux 27 de Châteaubriant. Depuis 1948, des planches de Châteaubriant sur lesquelles les otages désignés pour l’exécution ont inscrit quelques mots sont conservées au Musée.

Que voulons nous dire en rappelant année après année les souffrances et les sacrifices, le courage et la solidarité, la fraternité de ces années d’ombres et de lumière ?

Commémorer, en premier lieu, c’est honorer, dire notre reconnaissance mais aussi :« nous n’oublions pas , nous continuons le combat ».

Commémorer, n’est-ce pas  dire ce que voulait effacer de la mémoire collective le président Giscard d’Estaing en tentant de supprimer la  célébration de la victoire sur le fascisme fixée au 8 mai ?

Nous sommes les héritiers des 27 de Chateaubriant, mais aussi des fusillés du Bois de Boulogne, de Louvres, de Thiais, du Mont Valérien, des quelques 500 juifs montreuillois déportés dont Daniel Tamanini, résistant, déporté, n’avait pu finir de recueillir tous les nom. Nous sommes les héritiers des 118 enfants juifs montreuillois déportés dont nous devions rappeler le souvenir dans leur quartier du Bas Montreuil, Léon Zyguel, résistant, déporté,  devant nous faire une proposition en ce sens.

Nous sommes redevables à tous ceux qui ont combattu l’ennemi les acculant à la reddition le 25 août 1944 à Paris. Dans la diversité de leurs options politiques philosophiques religieuses, ils ont contribué à la victoire sur le fascisme, à l’élaboration du programme du Conseil National de la Résistance et à l’adoption de lois permettant à chacun et à chacune l’accès aux droits énoncés dans la Constitution.

Alors que depuis le début des années 1970, nous subissons crise sur crise d’un système capitaliste qui n’en finit pas de muter, j’entends, de plus en plus souvent dans la ville et lors de mes déplacements, de vieux amis s’interroger sur le prix payé par nos martyrs pour en arriver à voir aujourd’hui contestés des droits les plus élémentaires comme celui à la santé et démembrée notre école publique. J’entends leur inquiétude pour la jeunesse, eux qui le plus souvent n’avaient pas 20 ans lorsqu’ils inventèrent dans tous les domaines pour survivre, résister, avancer…

Peut-on rester silencieux quand, la semaine passée, sur France inter, un journaliste se faisait l’écho du pathétique «plus jamais ça » de traders américains !

Le serment sacré des déportés, dévoyé, bafoué... mettant sur un pied d’égalité le cours de la bourse et l’Idéal de la Résistance !

Le monde va mal et la crise du capitalisme globalisé frappe plus durement encore les plus pauvres, les plus démunis, des millions d’enfants, tous éléments on ne peut plus naturels de notre planète terre.

Ces derniers jours, le directeur de l’organisation internationale du travail, prévoyait plus de 20 millions de chômeurs supplémentaires dans le monde en 2009.

Toujours selon l’OIT, dans l’économie, la part du secteur financier aux Etats Unis, s’est élevée à 41% en 2007 contre 5% en 1980, « les travailleurs étant devenus une matière première comme une autre ».

En ce qui concerne notre petit hexagone, pour secourir nos banquiers, notre président de la République vient de trouver 10 milliards d’euros, les caisses de l’Etat étant vides il y a quelques semaines pour moderniser la Poste!

Dans son ouvrage « l’empire de la honte » Jean Ziegler, rapporteur de l’ONU, nous exhorte : « La destruction de l’ordre cannibale du monde est l’affaire des peuples. La guerre pour la justice sociale planétaire est à venir. De quoi seront faites les victoires ?les défaites ? Quelle sera l’issue de cet ultime combat ? Personne aujourd’hui ne connaît les réponses. Une conviction toutefois m’habite. Tous ces combats à venir feront écho à cet appel de Gracchus Babeuf, le chef de la conspiration des Egaux, porté ensanglanté à l’échafaud le 27 mai 1797 : «  [..] Que le combat s’engage sur le fameux chapitre de l’égalité et de la propriété ! Que le peuple renverse toutes les anciennes institutions barbares. […]. Venons après 1000 ans changer ces lois grossières. »

 

 

 

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