Vidéo protection à Montreuil : la pêche aux voix aura eu raison des convictions de certains élus
Montreuil passe sous vidéosurveillance
Dominique Voynet aura finalement trouvé une majorité d’élus pour valider son projet de placer Montreuil sous vidéo protection. Le résultat est là mais le contexte dans lequel s’est déroulé ce vote est particulièrement intéressant et confirme le caractère préélectoral de ce projet.
Difficile, lorsque l’on est élu, plus encore en période électorale, de dire non à une demande qui émane de certains de nos concitoyens. Contrairement à l’élu en charge du logement qui a préféré fuir une nouvelle fois ses responsabilités en quittant la salle au moment du vote (comme il l’avait d’ailleurs fait à l’époque du vote pour la création de la tristement célèbre brigade mobile), nous assumons pleinement le fait d’avoir voté contre.
L’explication de notre vote est simple et parfaitement résumée par l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme (I.A.U) d’Ile de France qui a réalisé un rapport essentiel dressant un état des lieux des évaluations menées en France et à l'étranger sur l’efficacité de la vidéosurveillance des espaces publics : « Il ne faut pas trop attendre de la vidéosurveillance. Ce n’est pas qu’une simple solution technique, elle nécessite une intervention humaine (…) Des solutions mal conçues échoueront vraisemblablement à le faire.»
Ce constat, est d’ailleurs très largement partagé par de très nombreux élus qui ont pris leurs distances avec le discours un brin démago et un max sécuritaire auquel nous avaient habitué Sarkozy, Guéant ou encore Hortefeux avec le résultat calamiteux que l’on connaît.
Ainsi, pour nous et comme le souligne le rapport de l’I.A.U. mettre en place la vidéosurveillance n’aura aucun effet si elle n’est pas couplée avec un dispositif de présence et d’intervention d’agents de terrain. Cela est d’autant plus vrai du fait de la réduction des effectifs décidée sous les gouvernements précédents dans la police nationale, la gendarmerie ou encore la justice.
Lors du débat au conseil municipal, tous les élus se sont accordés pour souligner la mince efficacité préventive et la marginalité de l’élucidation des faits grâce à la vidéosurveillance. Tous ont rappelé que seule une présence humaine régulière et un renforcement de la présence des services publics seraient efficaces. Tous ont fait part de leurs réserves avec ce système qui reste à la fois dangereux pour les libertés, inefficace en matière de sécurité ou de prévention des faits de délinquance et couteux pour les finances municipales.
Nous avons eu l’occasion de rappeler les expériences menées dans d’autres villes et qui attestent de cela. A Amiens, par exemple, l’ajointe à la sécurité, Emilie Thérouin (EELV) a publié en septembre dernier le résultat d’un audit sur la vidéosurveillance. La conclusion est sans appel : « la municipalité dépense beaucoup d’argent pour apparemment pas grand chose : à Amiens les caméras sont inefficaces pour lutter contre la délinquance ». Un constat qui a conduit la majorité socialiste à suspendre l’extension du dispositif qui avait été mis en place par ses prédécesseurs (Nouveau Centre). Si l’on en reste aux faits, 85% des caméras d’Amiens sont en centre ville (comme pour Montreuil dans le cadre du projet de Dominique Voynet), un secteur où plus de 3 500 faits de délinquance avaient été constatés en 2010 avec, dans un cas sur 5 un vol. Or, d’après l’étude : « malgré la présence d’un dispositif dense, la vidéo-protection ne semble pas avoir d’impact dissuasif ».
Contrairement au faux débat, polémiste et populiste, que Dominique Voynet a voulu conduire lors de la séance du Conseil municipal, la question n’est pas de savoir si d’autres villes ont mis ou pas en place ce type de dispositifs mais bien de savoir si cela est efficace et si 5 caméras est une réponse adaptée à la problématique légitimement soulevée par les commerçants de la rue Dreyfus.
En prenant le débat de la tranquillité publique par le petit bout de la lorgnette, Dominique Voynet prend le risque de répondre à côté de la question et du problème, réel, qui est posé par les commerçants de la rue Dreyfus, mais, au delà, par l’ensemble des commerçants et des Montreuillois qui ont constaté une dégradation du cadre de vie et de la tranquillité publique.
Elle s’en moque, l’essentiel, à quelques mois des élections municipales, est de donner le sentiment aux commerçants de les satisfaire. Tant pis si c’est bâclé, tant pis si les moyens humains, matériels et financiers ne sont pas prévus, tant pis si ça ne marche pas, chaque voix compte.
Partant du constat que l’efficacité dissuasive de la vidéosurveillance est peu évidente et, en tous les cas, très difficilement démontrable, que l’impact sur le sentiment de sécurité est limité (voire, dans certains cas, inexistant) et que la présence de caméras a finalement un faible impact sur les comportements des délinquants ;
Partant du constat qu’un projet mal préparé et mal conçu aboutira à un échec, nous assumons pleinement notre vote contre ce projet. Ce n’est peut-être pas électoralement pertinent, mais c’est responsable et en adéquation avec nos convictions.