A Montreuil, il n’y a plus de place pour Benoît Frachon
La maire, Dominique Voynet, débaptise une esplanade du centre-ville.
La décision de la municipalité verte de Montreuil n’a évidemment aucun fondement politique ou idéologique. Simplement, un problème d’aménagement urbain, le grand projet du cœur de ville. Dans ce nouveau panorama, il n’y a plus de place pour Benoît Frachon, l’esplanade portant le nom du célèbre résistant montreuillois, devenu secrétaire général de la CGT après guerre, a matériellement disparu depuis 1997. C’est l’avis du cabinet de la maire : « Dans ce projet cœur de ville, il y aura trois nouvelles places, une baptisée Guernica, une autre Jean-Jaurès. La troisième, très petite, n’est pas représentative de la personnalité de Benoît Frachon. »
C’est pour cette raison que la maire, Dominique Voynet, a adressé, au début du mois, un courrier à Bernard Thibault, le secrétaire général de la CGT, pour lui proposer de baptiser Benoît Frachon, l’esplanade située devant le siège de la confédération, porte de Paris à Montreuil. « Les négociations sont en cours », assure-t-on à la mairie. L’affaire, présentée comme une opération d’urbanisme, n’est pas du goût de tous les habitants, et en particulier des communistes de la ville, lesquels font remarquer que l’esplanade, face à la mairie, était, avant son démantèlement, naturellement située près de la maison où habita Benoît Frachon.
À l’Institut d’histoire sociale de la CGT, on insiste pour dire qu’il est hors de question de débaptiser. « Il doit y avoir une place Benoît-Frachon à Montreuil ! » dit Alain Delmas, le directeur de l’institut. Mais où ? Dominique Voynet a cependant rétorqué, lors d’une séance du conseil municipal le 22 octobre, reprise dans le Parisien : « Nous avons voulu un nom qui parle à la majorité des habitants de Montreuil. » « Phrase sortie de son contexte », précisait hier le cabinet de la maire, qui souligne la volonté de la municipalité de transformer l’actuel musée d’Histoire vivante en une Cité nationale du mouvement ouvrier : « Vous voyez, nous n’avons pas la volonté de troubler la mémoire du syndicalisme à Montreuil. » Il n’empêche, si les noms des rues et places de Montreuil doivent parler à tous (est-ce qu’il y aura des sondages de popularité ?), il pourrait y avoir bientôt de sérieux bouleversements dans les plans. À Paris, on ne s’est pas posé toutes ces questions. La municipalité a en effet baptisé une avenue Benoît-Frachon en 2005, à la limite de Montreuil, le long du siège de la CGT…
Jacques Moran (l'Humanité)