P.L.U. : Un projet qui n'est pas plus acceptable aujourd'hui qu'il ne l'était hier !
PLU : Un projet qui n’est pas plus acceptable aujourd’hui qu’il ne l’était hier !
Intervention de Gaylord LE CHEQUER
pour le groupe Rassemblement de la Gauche Citoyenne et Parti de Gauche
Non, ce projet de délibération n’est pas plus acceptable aujourd’hui qu’il ne l’était hier ou le 2 avril 2011.
Non, ce n’est pas à cause des associations, des riverains, des collectifs d’habitants que nous nous trouvons dans cette situation de blocage. C’est en raison de vos erreurs et de votre obstination ce que vous reconnaissez d’ailleurs vous-mêmes dans un document adressé à l’ensemble du personnel communal : « La municipalité a donc décidé de clarifier le règlement de la zone NAG […] et a également veillé à la stricte régularité de la procédure afin d’écarter tout nouveau vice de forme. » Oui, vous avez commis des erreurs de fond et de forme. Vous êtes donc responsables de ce qui vient de se passer faute d’avoir voulu prendre en considération nos alertes et celles notamment des associations des Mûrs à Pêches.
Malgré ces mésaventures aux conséquences regrettables pour les Montreuillois et pour les agents communaux otages de procédures lourdes et contraignantes, vous persistez ce soir à vouloir aménager la ville sans l’implication des citoyens et des habitants et en vous engouffrant un peu plus encore dans une impasse en ne concédant que des modifications mineures au risque que soient de nouveau bloqués vos projets.
Cet entêtement est d’autant plus incompréhensible de la part d’une équipe municipale dirigée par les écologistes qui ne devrait rien ignorer de l’urbanisme durable. L’agence de l’environnement et de la Maîtrise de l’énergie, en donne pourtant une définition tout à fait pertinente et éclairante qui devrait permettre de recentrer le débat non de forme, mais de fond, qui nous anime. « L’urbanisme, c’est l’action réfléchie et maitrisée visant à disposer, à aménager ou à restructurer physiquement et socialement l’espace. L’urbanisme c’est ce qui permet de définir la forme de la ville, sa densité, sa capacité à faciliter les différentes dimensions de la vie : travailler, se distraire, s’instruire, se promener » etc.
Bref, l’urbanisme, c’est réfléchir et concevoir la vie au quotidien.
Dans ce contexte, puisqu’il s’agit de régler notre vie quotidienne, pourquoi laisser cette question aux spécialistes, aux promoteurs, aux techniciens, aux architectes, aux urbanistes, ou, comme à Montreuil… à un directeur de cabinet aussi brillant soit-il ?
Pourquoi, comme nous l’avons vu à de nombreuses reprises ces 2 dernières années, depuis la modification simplifiée du POS, avoir confié l’animation de réunions publiques « dites de concertation » mais qui étaient en réalité d’information, à des aménageurs ou à des promoteurs ? C'est-à-dire non pas à ceux qui imaginent et décident du cadre de vie général et qui ont la légitimité du suffrage universel pour le faire, mais à ceux qui exécutent un chantier en cherchant, avant tout, la rentabilité de l’opération ? Pourquoi, avoir confié à un aménageur privé l’aménagement d’une ZAC aussi importante que la ZAC Accacia ou une opération comme celle de l’Ilot de l’Eglise alors que des opérateurs publics tels que MODEV ou Séquano Aménagement offraient toutes les garanties et permettaient à la puissance publique de rester maître de l’équilibre général de cette opération ?
Voilà l’un des pièges, dans lequel vous êtes tombés en ne parlant pas, en n’associant pas les habitants au processus de mutation, de transformation de la ville que vous entendez mener. En refusant ce passage démocratique, en refusant de prendre le temps d’expliquer et de confronter votre projet pour la ville, les montreuillois voient la ville bouger, évoluer, se reconstruire sur elle-même mais de manière totalement débridée et souvent brutale.
4 ans après votre arrivée aux responsabilités, vous semblez ne toujours pas avoir compris qu’à Montreuil… c’est comme cela. C’est ce qui fait d’ailleurs le dynamisme et la richesse de notre ville. Les Montreuillois veulent s’immiscer dans le débat, ils veulent participer, ils veulent aussi être respectés. Quand il s’agit, comme c’est le cas en parlant d’urbanisme, de la production de logements, d’emplois, d’équipements, de services publics, d’aménagement du temps de loisirs, etc. bref, d’un cadre de vie conçu et imaginé pour eux ; comment ne peut on voir à quel point il est essentiel de mettre l’humain au cœur de sa démarche. L’humain d’abord.
Construire une société nécessite que la population participe, que des associations s’en mêlent et que la démocratie soit au cœur de la démarche. J’ajoute, qu’il est à nos yeux important que la société civile joue son rôle, que les élus jouent le leur à la place qui est la leur mais en veillant à respecter le rôle, l’autonomie et l’indépendance de chacun.
C’est la raison pour laquelle, à la place qui est la mienne, je tiens à saluer les associations, les collectifs, les coordinations d’habitants, dans leur diversité, qui consacrent de leur temps, de leur vie personnelle et parfois de leur argent personnel pour se faire entendre et respecter. Nous considérons, même si nous ne sommes pas forcément toujours d’accord sur tout, qu’ils sont dans leur rôle et dans leurs droits et qu’il devrait être du devoir de chaque élu autour de cette table de les entendre, de les respecter.
Sur le fond du PLU et de votre projet urbain, pour les élus que nous sommes, notre responsabilité est aussi de prendre en considération, de mesurer et de répondre aux nouvelles inégalités sociales qui sont liées – là encore - à l’inégale facilité d’accès aux services, aux emplois, aux logements de qualité.
Tous ces défis sont importants et demandent des réponses mais il ne faut pas confondre action avec agitation ou précipitation. Nous pensons, nous, qu’il faut PLA-NI-FIER !
Oui, nous pensons, que la densification urbaine est inévitable. Mais pas n’importe comment et en tous les cas pas sans être maitrisée, planifiée, préparée, concertée, comme c’est le cas avec ce PLU. Vouloir faire vivre et évoluer la ville sur le long terme ne peut se faire qu’en permettant à chacun de se projeter sereinement dans son propre avenir. L’écoute, le dialogue, la concertation, le respect peuvent y contribuer.
Il nous faut la garantie que chaque quartier puisse disposer des services, des commerces, des transports et plus généralement de tout ce qui rend la vie plus pratique, plus conviviale et limite les déplacements.
Ainsi, avant de se lancer dans une densification effrénée dans le bas montreuil alors que le manque de places dans nos écoles et crèches est déjà criant, alors que les conséquences en matière de stationnement, de circulation, ou d’offre de soin publique depuis votre décision de fermer le centre de santé voltaire devraient vous alerter ; ne pouvions-nous pas consacrer nos efforts au développement de l’emploi, des services publics, des transports, des commerces, dans le haut Montreuil ? Rue des Roches, la priorité n’est pas de construire des logements sur des espaces verts, mais de réintroduire de la mixité urbaine et sociale. De travailler à l’implantation de services de proximité, de services publics et bien évidemment de transports qui font tant défaut.
La précipitation qui prévaut à ce jour conduit en réalité – nous vous l’avons rappelé si souvent - à ouvrir les vannes à une augmentation non contrôlée de la population, rompant par la même les équilibres de mixité sociale et encourageant la spéculation foncière.
Mes chers collègues, les principaux outils pour un urbanisme durable se trouvent dans la maîtrise du foncier. Ensuite, dans une « planification urbaine ». Et pourquoi est-il important de maîtriser et de planifier ? Parce que le foncier est à la fois un bien cher mais surtout non reproductible.
En faisant la part belle aux promoteurs et en ne vous donnant pas les moyens de mieux maitriser le foncier ce ne sont ni les élus, ni les architectes, ni les urbanistes ni à plus forte raison les citoyens qui seront en capacité de commander et de décider de l’avenir et de l’évolution de notre ville. C’est le prix, c’est le marché qui imposeront leur loi.
Vous le savez bien, la demande provoque la hausse du prix des terrains et par ricochet fait monter le prix du bâti et donc celui des logements existants. C’est ainsi que se creuse la fracture sociale et territoriale qui s’oppose au principe même de ville durable. Pour rompre avec cette logique, c’est à nous, pouvoirs publics, d’intervenir. Vous faites l’inverse. En laissant faire le marché, au plus grand bonheur des détenteurs du foncier et des promoteurs, vous laissez les prix de l’immobilier et du foncier façonner la ville, la modeler en engendrant la transhumance des classes sociales : aux uns les beaux quartiers, aux autres ce qu’il reste.
Pour notre part, nous pensons qu’un bon PLU devrait mettre en place des règles et des incitations qui orientent l’urbanisme de telle sorte que le marché devienne un instrument au service d’un projet collectif alors que là, votre projet se plie et se livre pieds et mains liés aux exigences du marché.
Regardons la réalité en face. Les chiffres parlent d’eux-mêmes ils sont issus d’une étude récemment rendue publique sur l’évolution de la situation dans le parc locatif : Montreuil, plus encore que Rueil-Malmaison (+6,8%), ou encore Lyon (+5,9%) a connu les plus fortes hausses de loyers avec + 7,4 % alors qu’en comparaison, la capitale n'a pris que 3,2%. Mais plus grave encore, en 2012, le prix du loyer au m² place la ville de Montreuil juste derrière des villes comme Rueil-Malmaison, Antony ou encore Neuilly-sur-Seine.
Ainsi, et nous avons eu l’occasion de le rappeler il n’y a pas si longtemps avec nos collègues communistes, de la fase et du parti de gauche, ce que les élus que nous sommes et qui se reconnaissent dans les valeurs et dans le programme du Front de Gauche vous reprochent, ce n’est pas tant de densifier, c’est de vous en remettre aux promoteurs, plutôt qu’à renforcer la maîtrise publique des projets, c’est de rompre les équilibres de mixité sociale et de mixité urbaine. C’est de développer une politique qui a pour conséquence d’encourager la spéculation au lieu de la maîtriser.
Ce qui manque à ce projet, aujourd’hui, comme le 2 avril dernier, c’est une ambition et des moyens qui permettent une irrigation de la ville en activités économiques diversifiées, pourvoyeuses d’emplois pour les habitants et de vie pour les quartiers.
Une politique économique menée en bonne intelligence, tirant les conséquences du passé, avec une approche équilibrée sur le territoire montreuillois.
Ce qui manque à votre projet c’est une ambition politique et des moyens appropriés pour préparer le future en réservant plus de terrains pour de l’activité et ainsi en maîtrisant mieux le foncier qui permet de lutter contre la spéculation. Ce qui manque, c’est aussi de geler des terrains (plutôt que de les livrer aux promoteurs) pour réserver des espaces pour des projets d’avenir. Ce qui manque à votre démarche, c’est une prise en compte de la réalité du mécontentement. Ce qui manque à votre projet pour qu’il soit durable, c’est une construction démocratique.
Oui, avec ce projet de délibération ce soir, nous avons le sentiment que vous vous foutez du monde !
Vous comprendrez donc que, comme le 2 avril, nous votions contre cette délibération.
Pour conclure, madame la Maire, peut-être est-il temps que vous fassiez la démonstration qu’il y a un pilote dans le navire municipal. Peut-être est-il temps que vous rappeliez quelques fondamentaux à quelques uns de vos élus et en particulier à celui auquel vous avez confié la délégation à la démocratie locale et à la vie associative… Deux délégations clés et qui devraient être au cœur de toute démarche, de tout projet en matière d’urbanisme durable…
Vous pourriez par exemple lui faire méditer cette citation issue d’un ouvrage de l’ADELS (l’association pour la démocratie et l’Education Locale et Sociale) dont il fréquente pourtant souvent les réunions et colloques mais dont on sent qu’il peine à passer à la mise en pratique… : « il faut donc que se développe une vie associative, que soit favorisée la constitution d’une société civile capable de faire entendre sa voix. Car l’urbanisme durable nécessite la participation active de la population et son adhésion : à défaut, tout sera pensé d’en haut, avec le risque majeur que les élus se substituent aux habitants pour dire ce qu’il leur paraît bon. Sans appropriation par les acteurs, les meilleurs procédés finissent vite par perdre leurs vertus. »